
Tchernobyl, chronique d'un désastre.

Types
Caractéristiques et
risques
Fréquence et
exemples
Après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (1986), une échelle de gravité des événements nucléaires a été imaginée pour hiérarchiser les événements liés au nucléaire et leur gravité. Cette INES (Echelle Internationale des évènements Nucléaires) classe donc les incidents (de 1 à 3) et les accidents (de 4 à 7) selon qu'ils affectent plus ou moins le matériel de protection, les travailleurs ou les riverains des centrales. Ainsi, lorsque l’on constate un dysfonctionnement dans sa centrale, on a 48h pour le signaler à l’Autorité de sûreté du Nucléaire (ASN) en estimant sa gravité sur l’INES. L’ASN mène l’enquête de son côté et classe l’évènement de 1 à 7 avant de le publier. Chaque degré correspond à un type d’événement bien précis. En France, deux évènements ont atteint le niveau 4, à Saint-Laurent-Des-Eaux (en 1969 et 1980).
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7
Écart
Anomalie
Incident
ACCIDENT
Incident grave
Accident
Accident
Accidentgrave
Accident majeur
(avec risque pour l’extérieur du site)
(sans risque pour l’extérieur du site)
“Écarts par rapport
au fonctionnement normal des installations, à l’utilisation normale
des sources radioactives ou au déroulement normal des transports”
Risque nul
Un millier par an en France qui ne sont pas notifiés
“Anomalies, sorties du régime de fonctionnement autorisé des installations, utilisation anormale de sources radioactives[...] erreurs humaines, insuffisances dans l’application des procédures”
Une centaine par an en France, exemple: défaut d’une valve, fuite d’eau, perte ou vol d’un matériel...
Défaillances importantes des dispositions de sécurité.
Contamination des travailleurs.
Quelques cas par an: exemple en 2012 : non-conformité d’une tuyauterie des
piscines des réacteurs 2 et 3 de la centrale nucléaire de Cattenom
Contamination grave de travailleurs et “faible” rejet à l’extérieur
Quelques cas par an. Exemple en 2008 : irradiation par une source de cobalt 60 d’un travailleur dans un bunker d’irradiation à Toulouse
Endommagement important du cœur du réacteur ou exposition mortelle d’un travailleur.
Rejet “mineur” à l’extérieur du site
1980 : cœur du réacteur A1
de Saint-Laurent-des-Eaux endommagé
Endommagement grave du cœur du réacteur / des barrières radiologiques
Application de quelques contre-mesures prévues
1979 : fusion partielle
du cœur du réacteur à Three Mile Island (USA)
Application de toutes les contre-mesures prévues
1957: Catastrophe de Kychtym (Russie), explosion d’une
cuve de produits radioactifs
Rejet majeur: conséquences importantes pour la santé de la population et l’environnement
Application de toutes les contre-mesures prévues, et même plus.
Deux dans l’histoire:
1986: Tchernobyl
2011: Fukushima

Danger et fréquence
des incidents
03
LES ACCIDENTS NUCLÉAIRES SONT RELATIVEMENT RARES MAIS ILS MARQUENT PAR LEURS IMPACTS SUR L'ENVIRONNEMENT, LES POPULATIONS ET L'ÉCONOMIE. LES PLUS GRAVES ONT EU LIEU À LA TCHERNOBYL EN UKRAINE ET FUKUSHIMA DAIICHI AU JAPON.EN FRANCE, À LA CENTRALE DE SAINT-LAURENT-DES-EAUX, LE NIVEAU 4 D'ALERTE, SYNONYME D'ENDOMMAGEMENT DU RÉACTEUR, A ÉTÉ DÉCLENCHÉ À DEUX REPRISES. AU DELÀ DU MYTHE DU NUCLÉAIRE 100%, QUELS EN SONT LES VRAIS DANGERS ?
Gravité et fréquence des accidents
INCIDENT
26 AVRIL 1986
A 01h23 du matin, les ingénieurs de la centrale ukrainienne de Tchernobyl perdent le contrôle du réacteur numéro 4. La puissance de l’infrastructure augmente de manière incontrôlée, entrainant la fusion du coeur. Une explosion s’en suit et libère d’importantes quantités d’éléments radioactifs. Pendant dix jours, le combustible nucléaire va bruler. Il faudra des tonnes d’argile, de sable et de plomb transportées lâchées sur zone par hélicoptère pour contenir les fuites.
27 AVRIL 1986
Ce n’est que le lendemain de l’explosion que les habitants de Prypiat, ville où résident les ouvriers de la centrale, seront prévenus de la catastrophe. Le 27 avril à 14h, l’évacuation de la cité commence. Elle ne devait être que temporaire et durer « deux à trois jours » selon les autorités. Prypiat est une ville fantôme depuis plus de 30 ans.
28 AVRIL 1986
L’alarme retentit à la centrale de Forsmark en Suède. En cause : un taux de radioactivité bien supérieur à la moyenne. Après évacuation immédiate de l’installation, on constate que la contamination vient en fait de l’extérieur, loin à l’est.
14 MAI 1986
HORS DE CONTRÔLE
Ce n’est qu’une vingtaine de jours plus tard que Mikhaïl Gorbatchev, Secrétaire général du Comité central du Parti communiste de l’Union Soviétique reconnait publiquement l’ampleur de la catastrophe.
Ni les politiques ni même les scientifiques n'étaient préparés à saisir la portée de cet événement.

NOVEMBRE 1986
Un premier sarcophage de béton d’une hauteur de 50 mètres est installé. Il a pour objectif d’isoler le réacteur n°4 et ses 200 tonnes de magma radioactif.
DE 86 À 90
Pas moins de 600 000 « liquidateurs » seront envoyés sur le site en 4 ans. C’est avec des équipements dérisoires qu’ils décontaminerons la zone.
2005
De nombreux rapports apportent des estimations sur les conséquences humaines du drame de Tchernobyl. Un rapport de l’ONU estime à 4000 le nombre de décès liés à l’accident. L’ONG Greenpeace avance le nombre de 100 000. En 1998, les autorités ukrainiennes estimaient que 12 500 « liquidateurs » étaient morts des suites de leur travail à la centrale.
Les incidents nucléaires en France.
Quand un accident ou un incident est constaté dans une installation nucléaire, la procédure exige de prévenir immédiatement l’Autorité de Sûreté Nucléaire. En dix ans, plusieurs centaines d’incidents ont eu lieu dans les centrales nucléaires de l’hexagone. Aucun n’ayant entrainé le déclenchement d’un niveau supérieur au niveau trois.
Actuellement, c’est davantage la menace terroriste qui inquiète le gouvernement et les associations. Dans un rapport remis au gouvernement, Greenpeace tire la sonnette d’alarme et s’inquiète « d’installations très mal protégées contre les menaces extérieures ».Ainsi pour l’ONG, « une attaque sur leur bâtiment pourrait provoquer une catastrophe nucléaire majeure» avec un relâchement très important de gaz et de particules radioactives dans un périmètre pouvant aller jusqu’à 150 ou 200 kilomètres autour du site visé ».

NOVEMBRE 2016
Plus de trente ans après l’accident de niveau 7, un dôme d’acier de 108 mètres de haut est installé au dessus de l’ancien sarcophage. Pour 100 ans, il permettra de continuer à effectuer les opérations de décontamination. Dans la ville voisine de Prypiat, le plutonium aura besoin de 24 000 ans pour perdre, ne serait-ce que la moitié de son intensité.
17 octobre 69 / 13 mars 80 : deux journées noires pour le nucléaire français.
L’un d’entre-eux, Daniel Robert, témoigne dans Le Point en 2011 : "On raclait l'uranium fondu avec des outils que l'on avait bricolés. On était éclairés par un projecteur. C'était d'autant plus dur que l'on travaillait avec un masque et trois combinaisons de protection enfilées les unes sur les autres alors qu'il faisait 40 °C. On mettait les déchets radioactifs dans des petites poubelles en plomb qu'il fallait ensuite redescendre".
Des outils improvisés, une formation aléatoire et surtout un danger dont on ne mesure pas l’importance : les nettoyeurs une fois leurs deux minutes écoulées prenaient une dose d’iode équivalente à celle prise sur une année entière.
On peut penser que cet accident gravissime a augmenté la vigilance des équipes et que deux évènements de cette ampleur ne peuvent pas arriver dans la même centrale. Pourtant onze ans plus tard, le 13 mars 1980, rebelote.
Le 17 Octobre 1969 reste une date entourée en rouge sur le calendrier français des évènements nucléaires. Premier gros accident nucléaire (mais pas le dernier), il a failli mettre fin au programme nucléaire français alors très jeune.
Ce jour-là donc, au lendemain d’une visite de Charles de Gaulle - fraîchement retraité de la fonction présidentielle, on charge le réacteur (pour simplifier, on le remplit de combustible, on le met en état de fonctionnement). Cette opération est renouvelée tous les ans en général, le combustible restant environ 3 ans dans le réacteur. Tous les ans donc, on arrête les EPR et on les charge à froid pour l’utiliser ensuite. Si cette opération est très fréquente, elle reste risquée car on intervient au cœur du réacteur, c’est même une machine qui s’en charge.
Le 17 octobre, la manœuvre semble bien se passer, mais une mauvaise manipulation entraîne une fusion de 50kg d’uranium inédite sur le territoire français. En effet, l’appareil qui doit charger ce réacteur « introduit par erreur un organe de réglage de débit » entre la couche de combustible présente et la nouvelle. Les effets ne tardent pas à se faire sentir, et le refroidissement se fait plus difficilement. Le combustible chauffe donc, sa température n’est plus régulée et il rentre en fusion. S’engage alors une course contre-la-montre, il faut nettoyer l’uranium fondu. Une équipe de nettoyeurs est engagée et formée rapidement.
CENTRALE DE SAINT-LAURENT- DES EAUX

En ce 13 mars à Saint-Laurent-Des-Eaux, tout se passe bien jusqu’à un arrêt soudain du réacteur. Automatiquement et par sécurité, l’activité a été stoppée pour cause d’une hausse significative du taux de radioactivité dans le caisson du réacteur. C’est une nouvelle fusion, de 20 kilos d’uranium cette fois. La cause ? Une plaque de métal bouche six canaux du circuit de refroidissement, empêchant la température de se réguler. Nouveau branle-bas de combat cette fois mieux géré car ce réacteur, plus récent a été conçu de manière à régler ce genre de problèmes très rapidement.
En effet, l’évacuation de déchets était bien plus facile sur ce réacteur. Il n’empêche que les dégâts sur le réacteur ont été énormes et on a mis trois ans et demi à le remettre en état.
D’après une note d'information de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) les rejets atmosphériques mesurés ont été très importants et la population aux alentours a été exposée à un taux de radioactivité : "Les rejets atmosphériques ont été estimés par EDF à 29,6 TBq (térabecquerel) en gaz rares (rejets autorisés à l’époque 296 TBq/an) et 0,37 gigabecquerel (GBq) en iodes et aérosols (rejets autorisés à l’époque 7,4 GBq/an d’iodes et aérosols, et un maximum de 0,55 GBq/semaine)".
Ces deux accidents sont donc classés à l’échelon 4 de l’INES, et restent à ce jour les évènements les plus graves liés au nucléaire sur notre territoire. Si les conséquences semblent avoir été limitées, il faut préciser que nous n’avons aucune donnée sur les répercussions sanitaires des deux accidents d’une part sur la population environnante, mais aussi sur les travailleurs et en particuliers les nettoyeurs. Un rapport a été commandé par la Criirad (commission de recherche indépendante sur la radioactivité) après un reportage de l'émission Spécial investigation sur Canal + diffusé en 2015, intitulé « Nucléaire, la politique du mensonge ? » qui révélait que l’on avait retrouvé des traces de plutonium dans la Loire, et que cela avait été caché, non-dit, ou au mieux ignoré par EDF.
On raclait l'uranium fondu avec des outils que l'on avait bricolés
Daniel Robert, un des nettoyeurs en 1969

Quels risques potentiels ?
Aucune catastrophe nucléaire majeure n’a touchée directement la France, mais cela pourrait arriver. En cas d’accident lié à une des centrales de l’hexagone, les zones les plus proches doivent être évacuées pour éviter une forte radioactivité aux habitants. On les appelle les zones d’exclusion, toutes les autorités et autres organisations gouvernementales sont évidemment favorables à ces dernières. Là où il y a discorde, c’est sur le périmètre de ces zones. Jusqu’en 2016, le périmètre des PPI (Plans Particuliers d’Intervention) en France était seulement de 10 kilomètres. Depuis maintenant un an, le périmètre des PPI a été doublé, il est maintenant de 20km autour de la zone accidentée. Une initiative de l’ancienne Ministre de l’Ecologie Ségolène Royal, qui a dû notamment faire face aux réclamations de GreenPeace qui trouvent toujours ce périmètre insuffisant.
En effet les zones ne sont pas les mêmes dans tous les pays. Lors de la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011, les autorités japonaises ont défini la zone d’exclusion à 20km. Mais au sujet du même accident, les autorités étasuniennes ont préconisés à ses ressortissants de quitter la zone qui se situe jusqu’à 80km autour de la centrale. Quant à l’accident de Tchernobyl en Ukraine qui est survenu en 1986, le gouvernement local avait définit une zone de 30km.
Les chiffres diffèrent et de nombreuses associations et ONG luttent pour un agrandissement de ces zones, tellement le risque est fort. Les vapeurs radioactives se propagent très loin. Avec plus ou moins d’intensité, mais elles dépassent très largement les zones d’exclusion. Le nuage plein de césium 137 issu de la centrale de Tchernobyl qui avait survolé l’Europe entière en est une preuve.
Evidemment l’Europe entière ne peut être évacuée, mais GreenPeace propose par exemple des périmètres de plan d’intervention étendus à au moins 100km autour des centrales. L'accident de Tchernobyl avait touché les populations qui habitaient jusqu'à 300km autour de la centrale, un périmètre bien plus important que les zones d'exclusion.
Avec ses 58 réacteurs nucléaires, beaucoup de français devront être évacués en cas d’accident, surtout dans des foyers important de population comme la Vallée du Rhône où se trouve la centrale du Tricastin.