
Le nucléaire une
01.
histoire française.
LE 14 JUIN 1963, LES TECHNICIENS SE PRESSE DANS LA SALLE DE COMMANDES DE LA CENTRALE DE CHINON. INSTALLÉE EN BORD DE LOIRE, L'INFRASTRUCTURE S’APPRÊTE À FOURNIR SES PREMIERS KILOWATTS D'ÉLECTRICITÉ. LA PREMIÈRE QUANTITÉ CONSÉQUENTE ET EXPLOITABLE D'ORIGINE NUCLÉAIRE. CETTE DATE MARQUE LE COMMENCEMENT D'UNE HISTOIRE D'AMOUR ENTRE L'ÉTAT FRANÇAIS ET L'ATOME.
CRÉATION DU CEA
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis sont seuls à maitriser la puissance de l'atome. Le Général de Gaulle désireux de hisser la France au rang des futures puissances nucléaires décide de créer le Commissariat à l'Energie Atomique. L'ordonnance du 18 octobre 1945 marque la création de l'institution.
« Les recherches scientifiques et techniques en vue de l’utilisation de l’énergie atomique dans divers domaines de la science, de l’industrie et de la défense nationale. Il étudie les mesures propres à assurer la protection des personnes et des biens contre les effets destructifs de l’énergie atomique. Il organise et contrôle (…) la prospection et l’exploitation des gisements de matières premières nécessaires. Il réalise, à l’échelle industrielle, les dispositifs générateurs d’énergie d’origine atomique. Il fournit au gouvernement toutes les informations concernant l’énergie atomique et ses applications et, notamment, l’éclaire dans la négociation des accords internationaux. Et en général, il prend toutes les mesures utiles pour mettre la France en état de bénéficier du développement de cette branche de la science ». Extrait de l'ordonnance du 18 octobre

"C'est ici le germe de la puissance d'un pays dans l'ordre industriel comme dans l'ordre militaire". De Gaulle
1948
PREMIÈRES
EXPÉRIMENTATIONS
A 12h12, le 15 décembre 1948, la pile atomique ZOE diverge. La fission des atomes s'enclenche et pose les bases technologiques qui serviront au développement des futurs programmes nucléaires français, qu'ils soient civils ou militaires.
au point de vue national, il est saisissant de constater ce que sont les réalisations françaises quand la France s’en donne la peine, même quand ses moyens sont, hélas, pour l’instant, assez limités
1955
LA PRÉFÉRENCE NATIONALE
La commission pour la Production d’Electricité d’Origine Nucléaire ou commission PEON se voit confier, dès 1955, la tâche d’évaluer les coûts liés à la construction de nouveaux réacteurs. Composée de représentants du CEA, de l’industrie et l’administration, elle a un rôle consultatif et va peser de tout son poids sur les choix technologiques français.
Au milieu des années 50, deux possibilités, s’offrent à l’Etat et aux industriels. D’un côté la technologie de réacteurs dits à « Uranium Naturel Graphite Gaz » (UNGG). Invention française, elle a la particularité de combiner les utilisations civiles et militaires et permet de produire de grandes quantités de plutonium, élément essentiel pour la fabrication des armes atomiques.
L'uranium naturel face à la filière "américaine"
A cette filière soutenue par le CEA, EDF va lui opposer la technologie américaine de l’eau pressurisée et de l’uranium enrichi (REP).
Derrière ces acronymes un peu barbares se cache la question d’indépendance nationale. De Gaulle tient à ce que la France garde sa souveraineté technologique et énergétique. Pour le général, hors de question donc de se lancer dans la production d’électricité grâce à l’aide d’une technologie venue d’outre-atlantique.
Pourtant, les jours de la filière « Gaz-Graphite » sont comptés. Le 13 novembre 1969, Georges Pompidou, fraîchement élu Président de la République, décide d’orienter le programme nucléaire français vers la technologie à eau pressurisée. Cette décision est lourde de conséquences pour le CEA qui se voit relégué au second plan à la faveur d’EDF.
« Continuer, en France, dans nos petites frontières, à poursuivre une technique à laquelle le monde ne s'intéresse pas, cela n'a plus de sens aujourd'hui. »

Marcel Boiteux, directeur général d'EDF, lors de l'inauguration du réacteur EDF4, le 16 octobre 1969
1974
TOUT POUR L'ATOME !
"je n'ai pas attendu la guerre du Kippour pour me décider en faveur de l'énergie électronucléaire. Le quadruplement du prix du pétrole justifiait, a posteriori, notre décision et nous poussait à aller au delà, pas seulement pas souci d'indépendance nationale"

Pierre Messmer. Premier Ministre de 1972 à 1974.
Même si l’Etat français n'est pas menacé de disette, une loi de 1928 obligeant les compagnies pétrolières à garder une réserve stratégique de trois mois, c’est l’électrochoc ! Tant d’un point de vue économique que le politique, le nucléaire apparait, plus que jamais, comme un élément essentiel pour l’indépendance du pays. La solution apportée est celle du "Plan Messmer", du nom du Premier ministre en poste à Matignon.
A l’époque, le gouvernement veut "préparer l’avenir", comme l’expliquera plus tard Messmer dans son ouvrage "Un Premier ministre dans le choc pétrolier". "La situation était plutôt mauvaise en 1973 : la production nationale déclinait irrémédiablement, l’équipement hydroélectrique de nos grands fleuves était presque achevé, la recherche d’hydrocarbures en métropole continuait de décevoir . Seul nous restait ouverte la voie de l’énergie nucléaire."
A l’issue du conseil restreint tenu à l’Elysée le 5 mars 1974 est adopté le Plan Messmer qui prévoit la mise en service de 4 à 6 réacteurs chaque année jusqu’en 1985. Le choix du tout nucléaire et fait. La France s’engouffre plein pot dans l’énergie atomique.

Le 6 octobre 1973, jour de Yom Kippour, l’Egypte et la Syrie attaquent simultanément l’état d’Israel. A la fin du mois, l’armée de Tsahal a repoussé ses assaillants jusqu’au portes du Caire et se trouve en position de force quand le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies impose un cessez-le-feu. Pour tenter de faire pression sur les puissances occidentales, les pays arabes producteurs de pétrole et membres très influents de l’OPEP décident d’augmenter le prix du du pétrole. Le cours de l’or noir s’affole et le baril de Brent passe, en quelques semaines, de 3 à 12 dollars.

Le Plan Messmer
RÉACTEURS
60
12
ANS
CENTRALES
19
1986
OBJECTIF 85% !
En 1974 et 1986, sous l'impulsion du Plan Messmer, la France est passée de 10 à 40 réacteurs nucléaires. Si l'objectif, fixé à l'époque par le gouvernement d'une production d'électricité venant à 85% du nucléaire n'est pas atteinte, elle tout de même de 66%.
La France devient le pays le plus "nucléarisé" du monde. Aujourd'hui, la part du nucléaire dans la production globale d'électricité varie entre 73% et 76% en fonction des années.
UNE POLITIQUE ASSUMÉE
«Ce choix a été débattu dans les enceintes compétentes, et les meilleurs ingénieurs du pays y ont été associés. Il a été validé scientifiquement et politiquement –y compris par le Parti communiste, qui se situait pourtant alors dans l’opposition. Depuis, il n’a jamais été remis en cause par les gouvernements successifs –notamment pendant les deux septennats du président Mitterrand– parce qu’il n’existe pas d’alternative!» Valery Giscard D'Estaing
dans une interview au Monde le 25 mars 2011.

À LA CONQUÊTE
DU MONDE !
Avec le choix de la technologie à "eau pressurisée" fait quelques années auparavant, les industriels français bénéficient du savoir-faire acquit aux Etats-Unis, berceau de cette technologie, sans pour autant courir trop de risques financiers et techniques liés au développement d’une technologie nouvelle.
Le bon en avant du parc national nucléaire permet aux groupes industriels d’acquérir des compétences et d’exporter le savoir faire français lié à la maitrise de l’atome.
C’est en 1976 qu’EDF parvient à "vendre" sa première centrale loin de l’hexagone. Après avoir conclu un accord avec le géant américain Général Electric en avril, le gouvernement sud-africain revient sur sa décision en mai pour finalement choisir le groupe français. Le gouvernement américain a, en coulisses, fait pression en imposant des conditions au régime de l’apartheid qui change rapidement d’avis.
Le second contrat est conclu avec l’Iran. A l’époque premier fournisseur de pétrole de la France, le Chah signe un partenariat avec l’Hexagone en 1974. Le projet sera avorté par la révolution islamique de 1978. Deux ans après l’échec iranien, Framatome (ex nom d'Areva) achève la construction de deux réacteurs dans la centrale sud-coréenne d’Uljin.
Les Français prospecteront également du côté de l’Irak. Jacques Chirac, alors premier ministre, signe avec le régime de Sadam Hussein un contrat de 1,45 milliards de francs pour la construction de deux réacteurs contre du pétrole. Israel n’étend pas laisser son voisin acquérir, même à des fins civils, des réacteurs nucléaires. Après le bombardement du site où se trouvait le réacteur pour l’armée israélienne, le France renonce à sa coopération avec l’Irak
fin 80





2000
ACHÈVEMENT DU
PARC

P4
CPO
On compte aujourd’hui 58 réacteurs sur le territoire français. La totalité d’entre eux sont des réacteurs de deuxième génération, soit des réacteurs à eau pressurisé. Ces réacteurs sont répartis par palier, en fonction de leur puissance : CPY (qui regroupe CPO, CP1 et CP2), P4 et N4. La plupart de installations en service sont dotées de réacteurs CP1, ceux lancés lors du plan Messmer. Le dernier-né de la famille, celui de Civaux, est raccordé au réseau en juin 1999.
En 1997, Framatome lance un programme de développement pour mettre en service un réacteur vendu comme novateur et plus sûr. Ce réacteur est baptisé EPR pour European Pressurized water Reactor. Démarrée en 2007 à Flamanville, la construction n’est toujours achevée dix ans plus tard. Le coût de fabrication a été multiplié triplé, passant de 3,3 à 10 milliards d’euros. En cause, les nombreux problèmes techniques et le non respect des mesures fixées par l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Le "désastre de l’EPR" fait trembler les fondations de l’inébranlable géant Areva et pose, une fois de plus la question d’une sortie du nucléaire.
N4
900 MW
1300 MW
1450 MW
2017
QUEL AVENIR
POUR LE
NUCLÉAIRE ?